Chausson - Brissonseau
Il y a 27 ans, Chausson fermait…
Les 27 ans des Marches de l’Oise sont l’occasion de revenir sur l’histoire de l’usine Chausson, auquel le parc d’activités a succédé. Par Simon Gourru en 2018. Actualisé en novembre 2024.
Années 90. Manifestation des Chausson devant la gare de Creil. DR/Archives Montataire
Il y a 27 ans, l'usine Brissonneau-Chausson fermait définitivement. La fin d'une saga commencée au début du XX e siècle dans le Bassin creillois qui aura vu la production de 3 millions de voitures. Mais aussi un des symboles de la casse industrielle qui marqua la plus le département de l'Oise. Plus de vingt ans après, les paies sont pansées mais le souvenir reste. Creil Montataire Développement, qui gère le site des Marches de l'Oise, reste fidèle à la mémoire du lieu. Alors, quand est venu le moment de célébrer ses 20 ans, le groupe a décidé de rendre hommage à glorieux passé à travers un ouvrage*. Réalisé par Floriane Louison, ancienne journaliste du Parisien, celui-ci s'attache à reprendre, depuis la création, l'histoire de l'usine Brissonneau devenue Chausson. Véritable trésor d'archives et de témoignages, cette publication replonge le lecteur dans un passé glorieux, où les voitures sortaient en série de l'usine creilloise dans un secteur qui connaissait alors le plein-emploi.
1920, LA GENÈSE D'UNE SAGA INDUSTRIELLE
Avant Chausson, il y eut Brissonneau et Lotz. En 1920, Marcel Brissonneau est la troisième génération à gérer ce groupe fondé au XIXe siècle. Alors que la France sort dévastée de la Grande Guerre, il fait le pari de bâtir une usine de 100 000 m2 à Creil. Le site s'étend précisément sur 102 470 m2 le long des rails, à cheval entre les communes de Creil et de Montataire. Pour l'heure pas encore de voiture mais de la restauration puis de la fabrication de wagons. Des baraquements provisoires seront construits pour loger les premiers travailleurs immigrés. Ces derniers viendront de Belgique dans un premier temps, puis d'Espagne, du Portugal, du Maghreb, du Sénégal ou encore du Mali. Leur savoir-faire sera reconnu en France mais aussi au Gabon, au Chili ou à Cuba où seront exportées les locomotives ainsi fabriquées. Le début d'une belle histoire.
1957, LE DÉBUT DE LA PRODUCTION AUTOMOBILE
1958. Atelier de fabrication des Renault Floride. DR DR/Archives Montataire
Dans les années 1950, la voiture s'impose comme le moyen de locomotion phare. L'usine Brissonneau se reconvertit. La Louis rosier de 1957 sera le premier modèle, tiré à un peu plus de 200 exemplaires. Mais c'est l'arrivée de Renault en 1958 comme principal client, avec la Floride, qui donnera son essor au site. De la 4L à l'Opel GT, la décennie suivant verra sortir de l'usine creilloise quelques-uns des modèles les plus emblématiques de l'automobile française. Les effectifs augmentent en conséquence, de 450 employés en janvier 1959 à 2 600 en septembre 1960.
LES ANNÉES 1970, L'ÂGE D'OR POUR 4 800 SALARIÉS
Un atelier de retouche sur les lignes de la Peugeot 205.DR/S.C. DR/Archives Montataire
En 1972, l'usine passe sous pavillon Chausson. Le site devient peu à peu le plus gros employeur de la région avec un effectif de 4 800 personnes à la fin des années 1970, dont 80 % d'ouvriers. En plein boom des Trente Glorieuses, l'usine prospère. Entre 1968 et 1974, la production annuelle passe de 63 000 à 140 000 voitures. Les Renault 5, Renault Trafic ou encore Peugeot 205 y seront notamment produits. Derrière cette réussite, plus d'entreprise familiale mais Peugeot et Renault qui sont devenus les actionnaires majoritaires du groupe.
LE 1er AVRIL 1996, LE CATACLYSME
DR. DR/Archives Montataire
Le vent tourne pour Chausson au début des années 1990. La conséquence d'une nouvelle orientation décidée dans les années 1980 par Peugeot et Renault. Entre 1988 et 1992, près d'un millier d'emplois sont supprimés. Le 20 octobre 1992, 1 104 salariés sur 2 529 sont licenciés afin de « sauver l'usine » selon la direction de l'époque. Pourtant, un an plus tard, le groupe Chausson dépose le bilan. 455 nouveaux licenciements sont annoncés. Les syndicats diffusent alors un document confidentiel selon lequel la fermeture du site a été décidée dès 1991 par Renault et Peugeot pour des raisons stratégiques. Commence alors une bataille à corps perdu pour le maintien de l'activité. Près de 2000 ouvriers se mobilisent durant trois ans. Blocage des trains, saccage du tribunal de Nanterre, invasion de la Bourse… Élu président de la République en 1995, Jacques Chirac débloquera une enveloppe de 53 millions de francs, de quoi obtenir un plan social rendu impossible par les finances de Chausson. Le 1er avril 1996, l'usine clôt définitivement ses portes. « Pour beaucoup, c'est encore un souvenir douloureux » confie Nicole Vandenbulcke, une ancienne secrétaire.
UNE NOUVELLE VIE DEPUIS 27 ANS
Deux après la fermeture, le site renaît de ses cendres avec la création de Creil Montataire Développement. 14 M€ seront nécessaires pour transformer l'ancienne usine en parc d'activités. Deux décennies plus tard, ce sont 120 entreprises, dans 12 secteurs d'activités différents (services, industrie, bâtiment, communication, emploi, formation, restauration…), qui peuplent ce qui est devenu Les Marches de l'Oise. 1 254 emplois ont été recréés, un chiffre loin de l'âge d'or mais plus élevé que celui à la fermeture de Chausson. L'an dernier, une extension de 4 000 m2 est encore sortie de terre.
LE SAVIEZ-VOUS ? LE TGV A ÉTÉ DESSINÉ À CREIL
Jacques Cooper est designer pour l'usine Brissonneau & Lotz quand il reçoit, en 1967, une commande un peu particulière. Alstom lui demande d'imaginer « un train qui ne ressemble pas à un train ». Ce n'est ni plus ni moins que le futur TGV, inauguré en 1981, qu'il dessinera dans les locaux de l'usine creilloise. « J'ai réfléchi cinq minutes et je l'ai dessiné en un quart d'heure », confiera-t-il des années plus tard. Le prototype ainsi né sera inspiré de la Porsche avec une ligne profilée et un nez allongé.