Collégiale - Mons ad Theram

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Collégiale

Sources : Plaquette Mons ad Theram  "Journées Nationales du Patrimoine -L'Eglise Notre-Dame de Montataire"  réalisée en collaboration avec Elizabeth Bail-Dhé, doctorante en Histoire de 'Art Médiéval

Offrant au regard sa haute silhouette dressée au bord du plateau qui domine abruptement le confluent de l'Oise et du Thérain, l'église de Montataire doit la particularité de son site à la proximité du château qui assurait la surveillance et la défense des deux vallées.

Vraisemblablement élevée au Xlème siècle par Hugues de Clermont, en même temps que le château, le bâtiment a connu plusieurs campagnes de construction dont on peut encore discerner les étapes.

Hugues de Clermont, qui décida de se fixer à Montataire, avait reçu ce domaine en cadeau, ainsi que ceux de Creil et Luzarches, lors de son mariage avec Marguerite, soeur du roi Robert II le Pieux. Son fils Renaud II de Clermont, poursuivit la construction de l’église.

 

Visite guidée de la Collégiale Notre Dame de Montataire,
Un édifice religieux atypique
(20 Avril 2024 – N. BILOT- AQUILON)
 
Notes de Visite de D. QUANTIN
 
1/ Contexte
 
La collégiale Notre Dame est un édifice religieux seigneurial donc privé qui deviendra église paroissiale après la révolution. Des chanoines, à la fois moines et prêtres, avaient en charge cette collégiale. Leur souci d’humilité impactera la structure plutôt dépouillée de l’édifice (ce qui ne veut pas dire que le mobilier et les tentures n’étaient pas riches …)
 
C’est une première église romane vers 1080, soit avant la construction du premier château en pierre. Les évolutions gothiques se feront en 2 temps vers 1220-1230 puis vers 1260. Des évolutions auront lieu vers le 16ème siècle et ceci sera complété d’une restauration au 19ème siècle.  Édifice religieux privé, il n’a jamais été prévu pour accueillir de nombreuses personnes. Elle est construite à l’échelle des besoins du Seigneur, peut être aussi pour servir de sépultures à la famille.
 
Sur cette colline, on est dans un quartier seigneurial, avec Château haute cour et basse cour, ferme, collégiale et l’église paroissiale de l’époque St Léonard (située à la place du nouveau Cimetière de Montataire). Celle-ci dépend de l’Abbaye normande de Jumièges et est complétée d’un prieuré. Autour les fiefs des vassaux du Seigneur et leurs manoirs sont installés. St Léonard aurait disparu à la fermeture de Jumièges à la Révolution.
 
Des fouilles archéologiques en 2018, ont mis à jour un sarcophage entre un mur de la collégiale et le presbytère en 2018. Plusieurs corps étaient dans le même sarcophage et vu leur état il s’agissait probablement de personnes réalisant des travaux de force, navigation (le Thérain était navigable et un port existant à Montataire) ou carrières de pierre. Peu d’objets avec les corps montrent qu‘ils étaient très probablement chrétiens.
 
(Cette découverte n’est pas en relation avec les 292 sépultures mérovingiennes étudiées dans les années 1960-1970, d’une très grande nécropole - jusqu’à 10000 tombes possibles ? – entre le 5ème et le 7ème siècle)
 
 
2/Vision Globale
 
Cette collégiale s’apparente à l’abbatiale de St Leu, à l’église de St Evremond de Creil (disparue), elle a des points communs avec Notre Dame de Paris, la Sainte Chapelle. Elle peut être considérée comme exceptionnelle dans son architecture et a d’ailleurs été classée monument historique dès 1862 (3ème liste de classement de l’Oise). Mais elle montre aussi effectivement que les moyens ont été limités pour son érection (mais avec des ambitions particulières) et ses évolutions (financement par le Seigneur de Montataire, ses vassaux, des dons de l’Eglise en particulier). On identifie très bien des parties inachevées, des évolutions en micro-phases d’un ou deux ans. Et entre ces phases, modes et équipes de construction changent …et donc le résultat. La silhouette de ce bâtiment sur la colline devait être très imposante, plus que le château lui-même probablement.
 
Restaurée assez tôt au 19ème siècle, on y trouve la vision de l’époque d’un Moyen Age idéalisé avec une méconnaissance historique dans certains domaines conduisant à des impairs (mais permet aussi de comparer différentes visions architecturales).
 
 
2/ Architecture extérieure
 
Ce qui saute tout de suite à l’œil, ce sont les hauteurs variées des toitures : Le cœur est plus élevé que la nef plus ancienne, romane dans sa structure (Figure 1).
 
Le clocher (figure 2) est sur le côté au milieu du chœur actuel mais à l’extrémité du premier chœur roman. Il date de 1220 -1230. Au sommet, après 320 marches, il y a une plateforme avec une rambarde pleine non décorée, un toit à 2 pans a peut-être existé puis a été démonté. Il pourrait aussi manquer un étage, les contreforts s’arrêtant plutôt à l’avant dernier étage de façon traditionnelle (ici ils vont jusqu’au dernier étage). Mais en aucun cas il ne peut s’agir d’une tour de guet, inutile vue la position du Château lui-même avec une large vue sur la vallée de l’Oise et du Thérain.
 
L’idée était de refaire toute l’église en style gothique mais le projet s’est arrêté en route : on identifie des pierres semi saillantes (harpes de pierre), c’est-à-dire des attentes pour une poursuite de la construction qui n’a pas eu lieu. Et un pignon en belles pierres est construit pour arrêter la nef proprement (Voir Figure 1).
 
Sur le bas coté gauche, on identifie un toit de même nature que celui de la nouvelle nef (et différent de celui de la partie romane restante) mais pas au niveau de celle-ci. Déjà livré il a été monté sur l’édifice.
 
On voit très bien des contreforts prévus pour soutenir une haute nef … qui n’existe pas dans cette partie avant de la collégiale (et bien sûr il n’y a pas d’arcs boutants).
 
Si l’on regarde la façade, au-dessus de la porte, on y voit une rambarde de pierre et pas de décoration sculptée. Des parties de contreforts de chaque coté sont en attente. Le tympan a été remanié au 13ème siècle et les portes reprises au 16ème siècle (Figure 3).

 
3/ Architecture Intérieure
 
Dès l’entrée on est dans une zone sombre, les fenêtres romanes (Figure 4) sont murées (en fait lors de la transformation gothique, elles sont parfois coupées pour ajuster les arcades et elles disparaissent complètement, c’est lors de la restauration au 19ème siècle qu’elles sont partiellement nettoyées et qu’on les retrouve). Cette partie date de la fin du 11ème siècle (1080-1100), cela en fait une des églises les plus anciennes du territoire (avec St Vaast les Mello par ex.). Les murs sont faits de moellons irréguliers en petits blocs (difficile à l’époque de sortir des gros blocs), ces murs sont solides (et le prouvent encore).
 
Dès le début il existait des bas cotés sinon les fenêtres auraient été plus grandes et placées plus bas. De plus les arcades actuelles, gothiques, n’auraient pu être percées sans compromettre la structure.
 
La première église n’était pas voutée, la charpente était apparente juste sous la couverture de pierre.
 
120 ans après environ, le seigneur veut transformer sa collégiale à la mode du temps et pour la rendre plus imposante. Le cœur actuel gothique rayonnant a partiellement effacé le précédent, roman. Les bas cotés (Figure 5) sont refaits avec des arcs (mais sans clef de voute décorée) repris par les piliers qui ont grossi pour vouter la nef et reprendre les arcs (piliers chartrains). On y voit 3 arcades en belle pierres de taille. On peut aussi noter un pilier avec un avant qui ne porte rien (pas de reprise d’arc) du fait de l’arrêt de la transformation romane -gothique (Figure 6). On trouve un peu partout dans l’édifice des solutions d’adaptation à la situation
 
Les chapiteaux des piliers sont soignés avec des décors à feuillages, un peu émoussés par le nettoyage lors de la restauration au 19ème Siècle. Sur l’un d’eux, on trouve des dragons et sur un côté un homme dragon et une femme oiseau qui lui tend une fleur d’arum (Figure7). Beaucoup d’interprétations sont possibles, le Seigneur de la Tournelle et son épouse, Adam et Eve ou juste une inspiration du moment du sculpteur pour faire joli… (les sculpteurs étaient payés au mètre linéaire et avait toute liberté pour choisir les motifs à exécuter, il n’y avait pas vraiment de cahier des charges à l’époque et on s’adaptait en construisant sur le chantier).
 
On parle toujours du rôle clef des tailleurs de pierre dont le travail reste visible mais on oublie un peu les charpentiers qui sont eux les artisans majeurs des chantiers, pour les échafaudages, les ceintrages, cerclages … le bois est essentiel même si caché sur l’édifice final.
 
Le chœur est lui modifié en partant de la zone de l’autel. On construit la nouvelle abside (Figure 11) derrière (permettant la continuité du culte pendant les travaux). Les fenêtres sont grandes, ambitieuses avec de fines colonnettes les séparant (voir Sainte Chapelle) avec des vitraux (du 19ème siècle). Les murs en dessous ne sont pas porteurs mais il faut pouvoir placer du mobilier des arcatures décorent la base des murs. L’autel néo-byzantin (Figure 12) et le sol décoré devant (Représentation de 4 fleuves, Tigre, Euphrate, …) sont des interprétations 19ème siècle. De faux vitraux repeints à gauche (Figure 13) sont de la même époque ainsi qu’un plafond peint étoilé que l’on trouve plus typiquement dans les châteaux (repeints de P. BRULE vers 1848 ?).
 
Les divers espaces, avant chœur, travées du transept ont un espacement irrégulier, adapté encore une fois à la situation. Il faut caser le clocher par exemple. Certaines colonnes reprennent clairement tous les arcs (un par colonne du pilier, ce qui est normal), un arc à une reprise de 3 arcs sur la même … On voit très bien en regardant l’ensemble de l’intérieur de l’édifice les raccords de construction et les murs pas toujours droits… (Figures 8, 9, 10)
 
De grandes verrières (vitraux 19ème siècle) éclairent la nef, plus grands côtés sud que côté Nord (à l’origine probablement avec des vitraux « grisailles » pour rester sobre et peut être un vitrail historié plus coloré (attention à l’époque le prix des vitraux est considérable, un exemple pour la Sainte Chapelle à Paris, le prix des vitraux est 12 fois celui de la construction en pierre). Il existe 2 types de constructions, les églises basilicales avec une nef plus haute que les bas cotés et donc des fenêtres ouvertes sur la nef en hauteur et les églises « halles » où les 2 sont à la même hauteur (Ex. Nogent et Villers), ce qui est architecturalement parlant plus difficile à construire. A Montataire, on est entre les 2, des bas cotés hauts donc sans fenêtre au niveau de la nef mais cependant pas au niveau de la nef. En fait, cette abbatiale est un reliquaire géant, un coffret.
 
La large chapelle latérale droite dédiée à la vierge est du côté de la porte qui mène au château et donc celle du Seigneur et de sa famille (Figure 14).
 
Dans la travée droite au niveau de la transiti n, on voit encore la trace d’un conduit de cheminée (un mur fermant la travée et qui devait comporter l’âtre à sa base a disparu vers 1220 voire avant) (Figure 15). De telles traces de cheminée existent aussi à Creil et Nogent. Cependant on imagine que ces cheminées étaient près de fonds baptismaux alors qu’a priori il n’y en avait pas à l’abbatiale, les baptêmes ayant lieu à l’église paroissiale de St Léonard.
 
 
Au-dessus du portail à l’intérieur, on trouve une galerie de circulation qui réunit les combles romans droit et gauche.
 
La porte du Presbytère à gauche est du 19ème siècle. La porte qui permet de monter au clocher est très surélevée (Figure 16). On peut imaginer un escalier de bois qui permettait de l’atteindre mais aussi des variations au niveau du sol de l’édifice en fonction des zones.
 
 
4/Conclusion
 
En résumé, un petit livre de pierre pour comprendre l’architecture du Moyen Age et ses évolutions :
 
·         Un édifice religieux en 3 temps (11ème, 13ème et restauration au 19ème Siècle après classement aux monuments historiques en 1862) et 2 mouvements (architecture Romane puis et gothique).
 
·         Un édifice religieux « biscornu » (toits de différentes hauteurs, » arrêts sur image » avec des modifications arrêtées en cours d’exécution) et asymétrique (pour faire avec la situation préexistante).
 
·         Un édifice religieux privé, seigneurial, sous contraintes, dans ses évolutions, contraintes financière, géographique (implantation sur le terrain), de nécessité de continuité de culte pendant les travaux.
 
Montataire a eu la chance d’avoir eu au 19ème siècle le Baron de Condé qui a rédigé une histoire du Château avec les informations (parfois imparfaites) dont il disposait et avec sa vision « seigneuriale » de l’époque. C’est déjà plus que ce que possèdent certains lieux historiques !

Figure 1 : Des toits à différentes hauteurs, des harpes de pierre et un pignon « d’attente »
Figure 2 : le clocher et sa rambarde
Figure 3 : Le portail, sa galerie de pierre et les 2 renforts latéraux inutiles

Figure 4 : la partie romane modifiée (les fenêtres condamnées et les arches gothiques)
Figure 5 : Bas-côté gauche, avec ses arcs repris par les piliers et la clef de voute simple
Figure 6 : Pilier « de transition » avec reprise partielle des arcs
Figure 7 : Chapiteau décoré
Figure 8 : plafond avec zone de transition               
Figure 9 : Zone de transition, arc interrompu
Figure 10 : Pilier avec colonne anormale avec reprise de 3 arcs sur la même

Figure 11 : Abside
Figure 12 : Autel et arcatures
Figure 13 : Fausses fenêtres
Figure 14 : Chapelle de la vierge
Figure 15 : conduit de cheminée
Figure 16 : porte qui mène au clocher

Description de l’édifice

Cette collégiale*, bâtie en pierres locales, avait une toiture réalisée en ardoises d’Anjou.

En plan, Notre-Dame de Montataire est constituée d'une nef* bordée de bas-côtés simples, prolongée d’un choeur se terminant par un chevet* polygonal, encadré de chapelles orientées.

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